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Le double espace dans les nouvelles françaises et chinoises contemporaines


28 June 2017 | By ZHOU Xueli | Copyedited by Boris Lopatinsky and Gu Yiqing

LE DOUBLE ESPACE DANS LES NOUVELLES FRANÇAISES ET CHINOISES CONTEMPORAINES

ZHOU Xueli

Université Normal de Shanghai

zhoushelly@hotmail.com

 

E

crivain, dramaturge, nouvelliste et conteur français, Marcel Aymé (1902-1967) a mêlé avec talent le merveilleux ou le fantastique à une observation aigüe du quotidien dans ses romans (La Jument verte, 1933; La Vouivre, 1943), ses contes (Contes du chat perché, 1934) et ses nouvelles (Le Passe-Muraille, 1943).  Il a obtenu le Prix Corrard pour Brûlebois en 1927, le Prix Renaudot pour La table aux Crevé, et le prix de la revue Minerva en 1931 pour la Rue sans nom. Il est entré sur la liste de l’édition Pléiade dans les années 90. La place Marcel-Aymé, située au bas de la rue Norvins, abrite une statue représentant Marcel Aymé traversant un mur, témoignant à sa postérité de sa popularité jusqu’à nos jours.

I. la traversée des murailles de Marcel Aymé

Cependant, la réception de Marcel Aymé reste tardive pour les lecteurs chinois. Il est longtemps difficile de trouver des textes traduits en chinois. Ce n’est jusqu’au 1996 que la Maison d’Edition du Peuple de Beijing a publié une sélection de ses nouvelles et aussi les contes de chat perché en chinois, grâce aux efforts du Monsieur Li Yuming, professeur de l’Université de Beijing. Récemment, quelques critiques soulignent le style langagier ainsi que les techniques et la construction de narration dans ses œuvres, notamment une étude panoramique intitulée « L’univers du réalisme, du fantastique, et de l’illusion dans les ouvrages de Marcel Aymé » par M. Huang Xinhu, parue dans le magazine intitulé « Littérature étrangère », professeur de l’Université de langues étrangères de Sichuan.

Marcel Aymé fournit un panorama de la société française de l’entre-deux guerres dans un style très élaboré. Influencé par l’école du groupe surréaliste, il suit son propre route. L’esprit surréaliste se prolonge ainsi dans l’imaginaire personnelle, qui consiste à la recherche d’une exploration littéraire de l’absurde et de la contingence. Son fantastique, loin d'être traditionnel, est teinté d'ironie et peut être qualifié de « fantastique ludique ». Sa satire est plus plaisante que blessante. Ainsi, ses personnages sont souvent dépassés par des décisions administratives absurdes (Le Décret, Le Percepteur d'épouses, La Carte) et s’en prend au monde de la Justice. Ces récits sont souvent fondés sur l'irruption dans la vie d'un homme peu enclin à chercher l'aventure, sur une entorse majeure aux lois physiques les plus inébranlables, qui transforme son existence, mais dont l'origine n'est presque pas envisagée, tandis que les conséquences, parfaitement logiques, obéissent aux lois naturelles: S’il met sur la une crise des clivages sociaux qui restent à l’époque encore estompés, il met à nu la vérité de la condition de petits hommes qui viennent de la province et se luttent pour vivre à Paris. Dutilleul, le héros du Passe Muraille peut traverser les murs et la nouvelle est le récit humoristique des conséquences de cet événement sur sa vie de petit employé. Raoul Cérusier, dans La Belle Image (1941), découvre en fournissant des photos d'identité qu'il a changé de visage et qu'il est devenu beau: l'histoire est celles des conséquences logiques de ce changement sur sa vie professionnelle et affective. Le nain du cirque Barnaboum grandit en une nuit (Le nain, 1934) : le phénomène n'est ni expliqué ni décrit, mais l'histoire des conséquences de cette perte d'identité obéit aux lois physiques et psychologiques.

Au recours à des formes d’écriture, Marcel Aymé intègre au nouveau réalisme des tons et des thématiques. Par l’évocation des misères dans son une « étude sociale », l’œuvre de Marcel Aymé reste avant tout un roman urbain. Aux agitations et mutations sociales, Marcel répond par l’offre de valeurs positives, trouvant des moyens d’exprimer son sens de la fable et son esprit caustique. L’hypocrisie, l'avidité, la violence, l'injustice, l’inégalité, le mépris, apparaissent dans ses ouvrages, aussi bien que la camaraderie, l'amitié, la bonté, l'indulgence et le dévouement, tel est le résumé de la préface de la Pléiade.

« Il allie la tendresse pour les petites gens, surtout cocasses, au mépris sardonique pour l’esprit bourgeois, pour le « progressisme » intellectuel et pour le conformisme. La vérité des paysans francs-comtois de La Table aux Crevés se retrouve, alliée à la fantaisie, dans la rabelaisienne Jument verte. Dans les recueils de nouvelles, où un absurde humain côtoie la fiction politique ou scientifique, le fantastique le plus saugrenu a toujours l’aspect du naturel et la magie de l’humour, sans jamais tomber dans le réalisme brut[1] ». 

Comment l’auteur exprime-t-il à la fois la vision du petit bonhomme, la multiplication de vaines actions pour assouvir son rêve d’ascension sociale sans jamais parvenir toutefois à s’extirper de sa misérable condition ? Le déroutement par la succession de tragédies et de mésaventures de ses personnages souligne-il une insoumission aux contraintes du cloisonnent social ? Les mutations décrites dans les nouvelles urbaines d’Aymé dépassent-elles éventuellement le cloisonnement de l’univers esthétique et romanesque préétabli et ont-elles un écho plus élargi dans le champ culturel et littéraire ?  

II. He Jinfang et « Pékin replié »

La mondialisation actuelle prétend banaliser, néanmoins les jeunes écrivains chinois parviennent aussi à l'infléchir vers plus de subtilités, de différences, d'harmonies. Récemment en Chine, un recueil intitulé « les poèmes des ouvriers » publié l’an dernier met en scène des petits travailleurs dans les usines. Plus remarquable mais aussi polémique, le nouveau roman fantastique « Pékin replié » de He Jinfang (née 1984), remporte le 74e prix Hugo cette année. Cette nouvelle imagine l’arrivée du 22e siècle et raconte la vie modeste des immigrants chinois qui quittent leur pays natal et vivent à Pékin. La capitale, devenue alors une métropole gigantesque automatique, sépare la ville en trois espaces, dont chacun se replie l’un sur l’autre toutes les 48 heures. Le héros, trieur des ordures du troisième espace, doit travailler sans cesse pendant 24 heures et ensuite se replie dans une pièce de 6 mètres carrés pour passer le reste des 24 heures jusqu’à la prochaine transformation où son espace se remet en fonction. Ceux qui vivent dans le troisième espace ne peuvent traverser et atteindre un des deux autres espaces que par des tunnels secrets souterrains qui s’ouvrent seulement une fois lors de la transformation. La vitesse de la transformation et de l’urbanisation fascine mais interroge. L’art de gouverner cultive la diversité, intègre la polyphonie des voix.

Dans un ton léger mais qui va juste qu’au bout de la logique, les deux auteurs mettent en effet un humanisme sensible aux tensions de l’histoire, aux transformations sociales où une nouvelle ère se construit. Ils mettent sur scène des questionnements et des inquiétudes sociaux. Les tentatives des humbles à traverser des murailles sociales ont échoués. Traiter de la vie quotidienne des petits hommes dans des plus grands métropolitains du monde, c’est donc mettre au jour des relations révélatrices, dévoiler l’impossible communication entre les êtres, cerner au plus près le drame de la solitude ou le problème du mal, conduit par le pouvoir, le désir matérialiste et la quête de l’argent. Ces thèmes ne sont certes pas nouveaux, mais ils revêtent une gravité existentielle qui n’est pas sans rapport avec la crise morale et intellectuelle que traverse la société. Intitulée La profondeur de la solitude, la première collection de nouvelles de He Jinfang approfondit ses réflexions par la déchéance de vieux mois ouvriers constructeurs abandonnés par le processus de l’urbanisation, et nie les perspectives que les paysans immigrants seront acceptés dans les villes comme des citoyens égaux. He Jinfang et Marcel Aymé se rejoignent, dans la recherche d’un type de roman qui rende compte de la condition sociale des milieux populaires et qui figure l’épaisseur du vécu, la diversité des sensibilités et le fossé qui sépare les être. Leurs personnages s’interrogent sur sa place dans l’univers moderne. Par leur légèreté, leur humour et leur profonde humanité, ils voilent une observation aigue des mœurs. L’intérêt du roman pour la condition humaine et le tragique de l’existence dans une société moderne se rencontrent chez eux qui explorent la profondeur des âmes. Ce n’est donc plus l’histoire de quelques individus mais celle de l’âme humaine collective qu’ils cherchent à restituer. Ils se montrent à n’avoir pas renié une culture régionale liée à leur propre expérience pour les mœurs de la capitale. Par leur composition polyphonique et simultanéiste, attentifs au sort des humbles, ils entendent donner une juste image du monde moderne, caractérisé par le mouvement et la discontinuité.

III. Double- espace romanesque croisé

Cette discontinuité conduit ainsi une nouvelle écriture et une capacité de dépasser les limites romanesques académiques. Chez les deux auteurs, le monde réel et le monde imaginaire se transposent là où l’action romanesque se condense et échappe précisément à la chaîne causale d’une action cohérente. Elle peut même se réduit à des actes dérisoires si bien que l’anéantissement de l’action humaine va de pair avec la mise en scène des paroles aventuriers qui pressentissent l’angoisse et l’inquiétude. Ce qui s’annonce ainsi, c’est l’arrivée d’un nouveau style d’écriture qui n’est plus soumis aux formes classiques ou aux étiquettes des écoles littéraires. Les personnages, parfois surnommé ou anonymes, ont une identité incertaine ; l’histoire perd un part de l’organisation logique et chronologique au profit des répétitions de scènes obsédantes, des éléments dispersées, diffractés pour composer d’une intrigue…

Les deux romanciers se nourrirent donc de l’actualité économique et sociale, tout en gardant un caractère ironique. Leurs récits s’attachent davantage à l’évocation des conditions misérables du petit homme, mettant ainsi en lumière les difficultés de l’existence des hommes humbles, qui travaillent en vain et n’ont pas la possibilité d’améliorer leur condition sociale malgré leurs efforts persistants. Une vie menée dans un espace replié qui s’ouvre que pour 8 heures sur 24 heures, une figure stagnée entre deux murailles dans le bureau d’un bourgeois, les deux problématiques, les enjeux socio-historiques d’une part et les enjeux esthétiques sont étoilement liés. Pour Marcel Amey comme pour He Jinfang, les thématiques et les techniques romanesques se renouvellent sous la mutation sociale, ce qui porte le regard dominant avec le détournement de l’attention vers des destins plus marginaux.

Dans son sens littéraire, les murailles désignent des espaces cloisonnés. Le terme «  murailles » implique par définition l’isolement, la séparation et l’ordre. Les trois espaces que décrit He Jinfang désignent un résultat de sélection et de choix social, ainsi un procès de purification.  La vie des citoyens est donc soumise à la loi dont les instincts sont réprimés et les désirs sont conditionnés.  L’ordre homogénéité supprime l’hétérogénéité et la diversité afin de créer un contrat social où chacun a sa place et respecte un code de vie systématisé. Cependant, la vie des nouvelles et des romans est celle où la loi est enfreinte, où le désir d’égalité devient aussitôt amour victorieux, où les respirations deviennent miraculeuses, les instincts deviennent violences, et les peurs et les suspenses deviennent actions. C’est la vie qui connaît la liberté, non pas la vie politique, mais la liberté anthropologique où l’homme n’est plus aux ordres de la norme stricte.

Cette liberté, proprement imaginaire, est celle qui privilégie les rois des contes populaires, celle qui apparaît de façon naïve ou absolue dans le dessin-animé Le roi et l’oiseau de Jacques Prévert, ou la pièce de théâtre l’oiseau bleu de Maurice Maeterlinck, ou les roman chinois de cape et d’épée Le Vagabond au sourire fier et Le Redresseur de torts de Jin Yong. C’est bien dans les bas-fonds de la vie vécue que se déploie la vie qui manque à nos reconnaissances et à nos consciences significatives. La transformation des murailles et des espaces révèlent les espaces cachés restés souvent dans l’ombre, et le fossé entre les lieux, touchant pourtant aux thèmes de la perte des espoirs. Contrairement aux supra, extra sociaux, cette fois-ci, les ordinaires sont au-dessus de la loi, jouissent de la liberté, même pour un instant limité. En révélant leur côté humain, ils sont plus identifiables. Leurs caprices affranchissent la contrainte. Leurs actions exercent une fascination particulières, parce qu’ils répondent aux structures affectives élémentaires de l’esprit humain : ils se fondent sur la solidarité collective, la fidélité personnelle, la vengeance à l’égard d’autrui et responsabilité collective des siens, l’agressivité à l’égard de tout ce qui est ignoré et déprimé. C’est le rêve communautaire de l’individu à la fois réprimé et atomisé. En traversant les doubles espaces, nous nous ferons plonger dans le monde sans loi – monde imaginaire où se libèrent les instincts, où se délivre l’état d’âme écrasé. Justement comme ils ne craignent pas de mettre en avant des événements, des comportements durs, des descriptions polémiques, les deux auteurs incarnent une sorte d’inquiétude jouissive vis à la mutation sociale. Ils se distinguent par leur propension à faire passer une certaine générosité, à tenter l’universel en évitant de théoriser.


[1] http://www.la-pleiade.fr/Auteur/Marcel-Ayme, consulté le 13 novembre 

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